Quand on prépare un stage en club, on discute avec la personne que nous invitons pour déterminer le thème du stage. le SKN a choisi un thème complexe avec des contraintes fortes.
“KIHON multidirectionnel, avec utilisation de URAKEN et d’un travail d’esquive : Application en KUMITE”
Le tout sur deux cours de 2h…
Le challenge que nous avons proposé à Roger MENANT, 7ème DAN expert KARATE DO, s’est très vite retourné en challenge pour les stagiaires, ce qu’on souhaitait évidemment.
Roger nous a proposé un KIHON multidirectionnel, qu’il nous a fait dérouler à droite et à gauche avec deux niveaux de difficultés et on s’en doute, les stagiaires ont pris beaucoup de plaisir.
Je tiens volontiers à disposition des stagiaires présents (avec l’aimable autorisation de Roger) la description complète du KIHON multidirectionnel – pour les gens intéressés, contactez moi à l’adresse: shotokaratedoneuvillois@gmail.com
La conception du KIHON
Le premier cours était conçu autour d’un triple objectif
- Proposer un travail complet pour les ceintures de couleurs KYU
- Mettre en évidence les points essentiels sur le KIHON et le KUMITE pour les niveaux 1er et 2ème DAN
- Préparer des éléments qui serviront au deuxième cours prévu le lendemain matin
Le cours a démarré sur une révision de différentes esquives à partir de la position RENOJI DACHI – une position très libre et naturelle, qui permet une réaction dans toutes les directions. A partir de cette position, on peut utiliser tous les déplacements du KARATE (TSUGI ASHI, YORI ASHI, AYUMI et HIKI ASHI, MAWARI ASHI et des combinaisons).
- La première étude porte sur les directions droites, gauches, devant et derrière, avec bien sûr les diagonales, mais aussi sur place, avec une simple esquive de tête!
- Avec l’ajout d’une esquive ou on descend sur son poids de corps et sous l’attaque, on ajoute une nouvelle dimension haut/bas pour être quasiment complet.
Roger nous rappelle que d’autres possibilités existent, mais qu’elles sont essentiellement la combinaison de ces éléments de base.
Déjà avec ce premier travail, qui n’est pas tout à fait dans nos habitudes, on attire bien l’attention sur les principes de base du déplacement
- Faire en sorte de garder sa liberté de mouvement
- Bouger pour ne pas subir l’attaque
- Trouver un angle et une position efficaces et solides pour gérer sa défense.
En quelques minutes, nous voila déjà plongés dans un travail dans toutes les dimensions de l’espace…
Ensuite, on découvre tranquillement les différents blocs de travail, avec les applications en KUMITE correspondantes.
Ces blocs de travail sont construits sur les trois positions de base, ce qui permet d’intégrer le travail dans différentes directions de manière très naturelle, pour peu qu’on ait l’habitude de travailler sur ces positions.
Les applications en KUMITE, par deux, sont l’occasion pour Roger de rappeler un principe essentiel pour la progression: quand on est en situation d’étude, il faut savoir laisser tomber le stress de l’opposition, et faire confiance à son partenaire, qui doit lui proposer la meilleure attaque possible (en termes de précision, de puissance, de vitesse) avec un parfait contrôle. TORI et UKE travaillent ensemble pour progresser!
Pour donner d’autres pistes de travail à reprendre en club et dynamiser les échanges et augmenter l’intensité, Roger nous invite à travailler l’enchaînement complet des blocs, par deux, par trois, par quatre… à droite et à gauche.
Enfin, après une révision de l’enchaînement lentement, en respiration et à pleine puissance, la fin de la première partie du stage est annoncée.
Dimanche matin: deuxième cours, le niveau monte.
Dès le départ, on annonce la couleur, le programme sera plus compliqué qu’hier avec un niveau de difficulté prévu pour un niveau de 3ème DAN et jusqu’au 6ème DAN. Le KIHON du jour est conçu en 8 blocs, chacun des blocs introduisant une approche différente de la gestion de la distance, et de la gestion des niveaux d’attaque et de défense.
On démarre par le premier bloc, pas très compliqué, mais déjà riche d’enseignements.
La position de départ est RENOJI DACHI qui, on l’a déjà dit, permet une grande liberté dans les déplacements.
On continue sur les blocs 2 à 8 avec à chaque fois, une mise en application sur le même modèle qu’hier, d’abord par deux sur chaque bloc, puis par trois pour les blocs 2 et 3, puis par quatre, cinq etc… nous nous retrouvons très vite à un travail HAPPO KUMITE sur les mises en application de nos blocs de KIHON
Avec ces 8 blocs, Roger nous fait couvrir toutes les directions de la rose de vents; on peut difficilement être plus multidirectionnel !
Des points de détail pour des messages importants.
Dans chacun des blocs, on prend le temps d’insister sur des points essentiels.
- L’attaque de UKE est proposée par Roger, pour faciliter l’exercice, mais il nous invite à constater et nous démontre que l’usage d’une garde appropriée et réfléchie sur la même technique de défense nous permet de gérer n’importe quelle autre attaque, y compris à différents niveaux
- Le travail par bloc impose une sortie de la distance à la fin de l’échange, mais ce recul se transforme aisément en un déplacement permettant de gérer la distance pour l’attaque suivante, on gagne un temps sur l’attaque et on est fort sur la défense!
- Le travail du HIKITE est mis à l’honneur avec des saisies qui permettent de créer très simplement un déséquilibre à l’adversaire qu’il faut exploiter avec l’autre main, c’est directement induit du travail à deux mains qui est obligatoire sur n’importe quelle technique
- Ce travail à deux mains, et avec le HIKITE, permet avantageusement de travailler des amenées au sol, si l’on en ressent le besoin et pour peu qu’on garde ZANCHIN pour un travail tactique : nous n’avons pas qu’un seul adversaire!!! Il ne faut pas exagérer le travail nécessaire sur un adversaire si cela donne un avantage à un autre adversaire!
- Et enfin, peut-être le plus important. la précision de l’utilisation de la technique, illustrée avec HAITO UCHI cette fois ci, on doit pouvoir décider de la zone d’impact, préférentiellement dans les points d’ATEMI, mais il ne faut pas oublier qu’il y a de multiples possibilités d’impact pour chaque arme dont nous disposons.
Du KIHON au HAPPO KUMITE, en passant par le KATA
Suite à ce stage, le plus beau constat qui nous reste à faire est que le KIHON a été construit sans copier, ni même s’inspirer, des séquences de nos KATA, il a été pensé et étudié à partir de réflexions sur des situations potentiellement réelles. Pourtant, une dernière analyse nous force à voir apparaître des similitudes dans le KIHON avec le travail de certaines séquences issues des KATA HEIAN, des KANKU, de JION et JIIN…
Ainsi, avec cette approche de la construction d’un KIHON multidirectionnel, on peut encore aller plus loin pour
- Renforcer le travail du KIHON en rapprochant ce travail des tactiques enseignées par les KATA.
- Renforcer le travail de nos KATA en rapprochant l’expérience construite avec les applications KUMITE construites sur le KIHON.
C’est ainsi qu’on renforce le KARATE DO, en travaillant en pleine liberté, et en réfléchissant indépendamment des carcans qui nous sont transmis depuis une bonne centaine d’années maintenant, pour retrouver les fondations qui font que les principes du KARATE DO fonctionnent depuis une centaine d’années et pour une bonne centaine d’années encore (minimum).
C’est à dire qu’il faut avoir l’intelligence de travailler hors de la tradition pour retrouver ce qui fait les fondements de la tradition du KARATE DO.
C’est la responsabilité de chaque pratiquant de comprendre et d’éclairer les conséquences de ce paradoxe
C’est aussi une nouvelle prise de conscience que tout est déjà dans nos KATA, si on les travaille assez longtemps et pas de manière bête et irréfléchie.
Cet exposé du travail proposé par Roger et réalisé par les élèves lors de ce stage est très intéressant et parfaitement adapté à cette forme élaborée du kihon multidirectionnel. Il pourrait être apparenté à une étude ayant valeur de thèse. Excellent résumé de ce stage. é
Merci à vous et à tous les participants.